Une création théâtrale d’après des textes, des interviews et des chants des détenu(e)s et des gardien(ne)s de la prison de Champ-Dollon.

Pour notre nouveau projet Réveille-moi quand je serai libre, le besoin de créer une pièce est venu directement des personnes concernées : des aumôniers, des gardiens, des animateurs, des détenus, des ex-détenus, des représentants de la direction, des juges, des avocats et de politiciens se sont réunis pour développer avec nous une réflexion autour de la justice, du système pénitentiaire et de problèmes inhérents à la prison. Le but étant de susciter un débat tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la prison, d’améliorer la perception qu’a le public du monde carcéral, mais aussi de tenter d’améliorer la communication entre les divers groupes qui se côtoient dans ce milieu.

Lors des échanges, très vite, certains problèmes précis ont été évoqués et ont débouché sur des objectifs importants :

  • tenter de revaloriser et de réfléchir sur le rôle de gardien et les rapports avec les détenus. Briser les clichés inhérents à cette profession, revendiquer une meilleure formation.
  • évoquer les problèmes liés aux cas psychiatriques désignés sous le terme d’« Article 43 » (personnes susceptibles d’être dangereuses et ne pouvant rester dans des institutions psychiatriques conventionnelles, casées à Champ-Dollon sans bénéficier de soins adéquats) et tenter d’obtenir la construction d’une structure spécialisée pour les accueillir.
  • Donner la parole aux détenus afin de leur permettre de s’exprimer dans leur complexité d’être humain. En effet, souvent le prisonnier se trouve réduit à son délit et nié en tant que personne à part entière. Toute sa vie tourne autour d’un instant d’égarement et tant qu’il se sent réduit à cet instant, coincé entre « sa faute » et son procès, il lui est souvent difficile de se reconstruire. A partir du moment où il se trouve reconnu en tant qu’individu, avec ses défauts et ses qualités, il peut mieux mesurer les conséquences de ses actes. Reconnaître les souffrances qu’il a infligées à autrui et en tire les enseignements qui vont lui permettre d’éviter de récidiver. Alors seulement il peut commencer à se transformer. Néanmoins, pour que ce processus se déclenche, il faut que le détenu puisse être entendu, que l’on admette que lui aussi peut souffrir, de ce qu’il a fait, de ce qu’il n’a pas fait, de ce qu’il a perdu. A partir du moment où cette reconnaissance existe, tout redevient possible et la porte s’entrouvre. Grâce à divers moyens d’expression qui peuvent être exercés dans une prison, certains détenus entament une démarche artistique personnelle qui est fondamentale pour retrouver leur équilibre. La parole, l’écriture, le dessin, la sculpture, la danse, la musique peuvent permettre de libérer des aspects de la personnalité réprimés dans le cadre de la détention et d’exorciser une vie quotidienne violente, pauvre, triste et ennuyeuse. En nous confiant leurs rêves et leurs révoltes et en se sentant écoutés, nombreux sont ceux et celles qui nous ont dit qu’il s’agissait pour eux d’une sorte d’évasion, d’un premier pas vers la reconquête d’une dignité.

Il existe donc une véritable nécessité de réfléchir sur le système pénitentiaire, la justice et les conditions de vie dans la prison. Cette nécessité est incarnée par l’incroyable richesse des textes, des peintures et des objets sculptés que nous avons récoltés pendant deux ans, ainsi que par la force des témoignages et des réflexions que nous ont livré détenus, ex-détenus, gardiens et aumôniers lors des interviews que nous avons réalisés.

Parallèlement, afin d’enrichir le spectacle, nous avons lu et intégré de nombreux textes d’auteurs ayant vécu l’expérience de l’emprisonnement : Jean-Pierre Gueno, Oscar Wilde, Mesrine, Breyten von Breitenbach.

LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DU PROJET

Tout ce travail a débouché dans un premier temps sur la réalisation d’une émission de radio de 60 minutes intitulées Paroles de détenus, paroles de gardiens dans le cadre du programme Entre les lignes sur les ondes de la Radio suisse romande Espace 2. Cette émission diffusée le 14 septembre 2002 a été conçue par Liliane Hodel avec les voix de Liliane Hodel, Rita Gay, Patrick Mohr et Nicolas Rinuy. Réalisation : Anne-Marie Kohler, production : Jean-Marie Felix. Le même jour, un montage de 30 minutes a été joué deux fois sous la tente des Ombres à l’Arteplage d’Yverdon dans le cadre du « Labyrinthe de la parole », dirigé et conçu par Patrick Mohr pour la journée cantonale genevoise à Expo 02.

Malgré l’intérêt de cette première étape, nous avons ressenti immédiatement que nous ne pouvions pas nous en contenter et qu’il nous fallait approfondir notre recherche pour rendre hommage à l’incroyable densité des textes et supports visuels à notre disposition.

L’investissement humain et les attentes réveillées par notre initiative nous ont poussé à développer une pièce d’environ une heure qui puisse se jouer dans les théâtres avec tous les moyens techniques à notre disposition (décors, lumière, projection,.) et une version plus légère pour pouvoir jouer dans les pénitenciers et les maisons de détention.

Pour ce faire, nous avons créé une première version du spectacle que nous avons présenté six fois au Théâtre de La Parfumerie du 4 au 9 mars 2003, en organisant parallèlement au spectacle un débat et une représentation scolaire. Ces représentations nous ont permis de faire venir des détenus, des gardiens, des avocats, des juges, des travailleurs sociaux, des responsables de pénitenciers et de maisons d’arrêt suisses et surtout certaines personnes qui ont directement participé à l’élaboration de ce spectacle. Leur avis était très important pour nous et nous avons attentivement écouté leurs remarques avant de nous remettre au travail afin d’élaborer cette nouvelle version. Réveille-moi quand je serai libre a été joué le 10 octobre 2003 au Casino d’Orbe pour l’ADCAP (Association pour le Développement de la Culture et des Activités sportives en Prison).

Michele Millner

Scénographie

Corinne Müller

Jeu et adaptation

  • Bénédicte Gampert
  • Patrick Mohr

Musique

  • Christophe Berthet
  • Denis Favrichon
  • Sylvain Fournier
  • Patricia Tondreau

Avec la participation du

Coeur Ouvert

Chef de chœur

Thomas Bouvier

Eclairages

Laurent Valdès

LE TEXTE

La première fois que j’ai lu Fugitives Pieces , je n’ai pas pu m’arrêter. La qualité de l’écriture, l’intelligence de la narration, la délicate asymétrie de la structure et la profonde humanité de ce roman m’ont bouleversée.

Je l’ai lu d’un trait et j’ai immédiatement désiré le relire. Plusieurs jours plus tard, j’ai réalisé que des morceaux du texte étaient restés avec moi comme des fragments de ma propre vie. D’autres parties refaisaient surface à des moments inattendus,j comme des fantômes. Après, j’ai commencé à entendre des bouts du texte dans ma tête comme des conversations, des incantations. Cela a confirmé mon désir de dire ces mots, de les faire entendre.

Fugitives Pieces est un récit à plusieurs voix sur la guerre, l’amour et l’exil. Le texte parle surtout de la transmission de la sagesse et de la mémoire.

Qu’est-ce que la mémoire ? avons-nous le choix de nos souvenirs ? Durant la seconde guerre mondiale, de nombreux manuscrits, journaux intimes et témoignages ont été perdus ou détruits. Certains de ces récits ont été délibérément cachés, enfouis dans des jardins, glissés dans des murs ou sous des planchers par ceux qui n’ont pas vécu pour les récupérer.

Michele Millner 

LA MUSIQUE

Mauthausen est un cycle de poèmes écrits pas Iacovos Kambanellis qui a vécu la déportation au camp de concentration de Mauthausen. Ces poèmes ont été mis en musique par Mikis Theodorakis. Ils puisent leur force dans leur simplicité et nous les entendons à la fois comme des lamentations et des chants de résistance.

Il s’agit d’une oeuvre chorale pour quatre voix. Theodorakis a écrit cette musique après avoir été lui-même prisonnier politique en Grèce.

Mauthausen vient donc s’inscrire dans une tradition de chants de résistance, de chants de la mémoire, de cette mémoire fragmentée et fugitive dont parle Anne Michaels. Ces ouvres ont été composées comme un exorcisme pour combattre les forces obscures de l’oppression, par la magie de la musique unie au martèlement des mots.

Pendant quatre ans, le Théâtre Spirale a travaillé en collaboration avec le Chœur Ouvert autour de la notion de cantate. Le nom Cantate vient du latin cantata : ouvre chorale ou drame lyrique mis en musique. Pour Mémoires fugitives, nous voulons créer un poème à plusieurs voix. Un travail choral où prose, vers, récit et musique s’entremêlent pour conter cette histoire dans toute sa complexité et sa profondeur.

La lutte des hommes contre le pouvoir est la lutte de la mémoire contre l’oubli

Milan Kundera

Mise en scène:

Jocelyne Queloz

Lumières:

Aurélien Gattegno

Collaboration artistique:

Michele Millner et Patrick Mohr

Masques et costumes:

Miriam Kerchenbaum et Jocelyne Queloz

Musique et Jeu:

Daniel Renzi et Jocelyne Queloz

Voilà l’histoire d’un loup courageux capturé par les hommes. Il est bien décidé à ne plus jamais leur accorder un regard, ni même une pensée.

C’est aussi l’histoire d’un garçon nommé Afrique qui est sauvé de la guerre par Toa le marchand. Toa découvre les talents de conteur de l’enfant et les exploite pour se faire de l’argent, puis le vend au roi des chèvres.

De fil en aiguille le loup et l’enfant découvrent au fond de leurs pupilles tous les acteurs de leur vie. Paillette la louve à la fourrure d’or. Casserole le dromadaire, Guépard le gardien des chèvres et encore bien d’autres acolytes.

Tous ensemble ils arriveront à briser les chaînes de l’enfermement. Grâce à la force de leur nouvelle amitié, ils arriveront à voir au-delà des barreaux. Au-delà des murs du Jardin Zoologique, visitant tour à tour la chaude Afrique de l’enfant et la belle neige muette de l’Alaska.

Conception, mise en scène et chants

Michele Millner

Composition musicale, arrangements

Yves Cerf

Arrangements

Patricia Tondreau

Lumières

Angelo Bergomi

Costumes

Florence Buholzer

Après Sortir de l’Ombre et Le Songe d’une Nuit d’Été, La Cantate des Berceuses est une nouvelle création du Théâtre Spirale avec le Chœur Ouvert. Cette fois, nous désirons donner au chour la place de chanteurs/conteurs pour un travail autour de la tradition orale. Nous avons pour cela réuni des berceuses de différentes communautés vivant à Genève et composé une ouvre musicale et théâtrale autour de l’histoire « Le lait de la mort » et de plusieurs autres contes traditionnels.

Quand on n’a plus de mots pour dire l’amour, le bonheur ou le désespoir, on chante. On chante pour conjurer la peur, l’absence ou rêver le futur. Pour tisser de nos voix cette fibre immatérielle qui nous lie à ceux qu’on aime.

La berceuse est associée à notre origine et à notre devenir. Dans la tradition Dogon, il existe des berceuses qui rappellent au nouveau-né les péripéties de ses précédentes vies.

La berceuse est sans doute pour beaucoup d’êtres humains la première musique qu’il nous est donné d’entendre. On dit que l’enfant qui entend des berceuses est accompagné. Ces chants fragiles l’inscrivent dans sa culture et lui ouvrent les portes de sa langue maternelle. En berçant, on partage sa langue, on tisse des liens.

Mais qui berce encore ? Comment et pourquoi ?

Les chanteurs et les conteurs se tissent eux-mêmes à l’intérieur des chants et des histoires. La texture de leur voix et leurs expressions physiques s’imbriquent dans les mots et la musique pour leur donner sens. C’est la force et la beauté de la tradition orale qui est en perpétuel mouvement.